Le Cervin
Quoi de mieux pour fêter mes nouvelles prérogatives que l’ascension de ce sommet mythique que je n’ai jamais foulé?
Maïlys rêve également de ce sommet si marquant dans l’histoire alpine.
L’ascension par Whymper, Croz et co le 14 juillet 1865 fut le dernier exploit de l’âge d’or de l’alpinisme. Le but était de conquérir tous les sommets des Alpes avant les autres, quelle que soit la voie empruntée. Lors de la descente se joua un des premiers drames de montagne: sur les 7 alpinistes ayant atteint le sommet, 4 dévissèrent et perdirent la vie dont le célèbre Michel Croz de Chamounix…
Nous arrivons à Zermatt en début d’après-midi et traversons la ville piétonne sous un beau soleil, tandis que la silhouette impressionnante de la « montagne Toblerone » se dévoile peu à peu.
Du sommet des remontées mécaniques, il nous reste 1h30 de marche pour atteindre le refuge Hornli, perché sur l’arête du même nom à 3200m d’altitude, sous les premières difficultés.
Le refuge est très confortable et le soir j’assiste au fameux « apéro des guides » où les consignes pour le lendemain sont données. Les règles sont claires: d’abord les guides de Zermatt, ensuite les guides Suisses, puis les guides étrangers et enfin les rares cordées amateurs. Et oui, le départ de l’ascension est réglé comme une horloge: chaque groupe à son horaire de départ et il n’est pas envisageable de dépasser qui que ce soit de bon matin.
Après une bonne nuit, nous voici donc dans la queue, à peu près en milieu de peloton car nous ambitionnons de descendre le jour-même dans la vallée: la dernière descente en télécabine est à 16h30. Nous sommes une quarantaine de cordées!
Nous sortons du refuge et commençons par patienter 1/2 h au pied du premier ressaut technique. Une fois franchi, les cordées s’espacent, nous trouvons notre (bon) rythme et commençons à doubler quelques cordées. Arrivés au pied de la cabane Solvay, vers la moitié de l’ascension, nous sommes en bonne position dans le peloton.
Mais je ne connais pas encore toutes les subtilités du terrain et nous nous ferons doubler par quelques cordées qui ont pris un raccourci, mince!
Pas grave, nous profitons de la petite pause pour repartir de plus belle: plus que 500 m d’ascension.
Les cordes fixes facilitent bien les passages raides, sur les derniers mètres avant les pentes finales. Sans elles la cotation de la course passerait probablement de AD à D(+). Pensées aux 7 pionniers qui ont parcouru cet itinéraire avec le matériel rudimentaire de 1865!
Cette partie n’est pas simple à gérer car les cordées des « guides chefs » de Zermatt, ayant atteint le sommet vers 7H30, sont en pleine redescente. C’est donc le chassé-croisé qui commence sur les cordes fixes, un peu comme la portion Orange-Lyon de l’A7 un week-end estival. Des amis guides m’avaient prévenu: attention aux crampons des clients parachutés par les guides de Zermatt sur les pauvres suiveurs! Finalement, tout se passe bien hormis quelques croisements peu compatibles avec les règles de distanciations covid.
Nous arrivons à la fin de la partie rocheuse de l’arête pour gravir les pentes mixtes sommitales. Les conditions sont excellentes: les crampons mordent bien la neige compacte, les marches sont bonnes, très peu de glace à signaler.
9h30: nous sommes au sommet après 1250m d’ascension! Il fait grand beau avec un peu de vent.
Bravo à Maïlys qui est à peine fatiguée: l’entraînement chamoniard a payé!
Du coup nous profiterons d’une belle pause à l’abri du vent pour admirer les 4000 suisses.
Nous entamons la descente, partie la plus délicate de l’itinéraire, il faudra rester concentré…et trouver le bon itinéraire sur le bas, parcouru de nuit à l’aller. Par précaution, la trace GPS de montée est enregistrée sur mon téléphone.
Nous prenons le temps mais on a de la marge et c’est finalement à 14H30 que nous nous asseyons sur la terrasse du refuge: champagne, mission accomplie! Nous avons même le temps de manger un bout avant de continuer vers Zermatt.
Au final, nous avons vraiment apprécié cette course mythique. Certes il y a du monde mais le tout étant assez bien organisé et plutôt cordial, le chassé-croisé se passe assez bien. Et surtout, en prenant cela avec un peu de recul c’est même plutôt drôle de voir des alpinistes évoluer en mode « peloton ».